Par Phillipe Hardy (2012)
Dans cette partie sud-est du Morvan, les routes sont sinueuses et les arbres envahissent le paysage. Il m'est arrivé souvent, conduisant, d'apercevoir le flanc de biches en fuite et de devoir freiner au passage de renardeaux qui franchissent brutalement la route.... Les animaux hantent le Morvan qui fait partie de la Bourgogne alors que tout différencie fortement ces deux territoires limitrophes voisins. Le Morvan reste mystérieux, obscur, sombre, chargé de ces histoires de sorcellerie que se racontent à voix basse les habitants de ces maisons aux volets clos, au portillon lourdement cadenassé. C'est dans ce paysage caractéristique qu'eut lieu ma première rencontre avec Hubert de Chalvron;
Hubert avait alors son atelier dans une vieille demeure romantique au plein milieu des bois. Cette première rencontre date déjà d'une vingtaine d'années mais les toiles et dessins que je vis à cette époque me restent en mémoire. De toute évidence, j’étais en présence d'un peintre, d'un peintre dont la recherche à l'époque, parlait de lumière, d'espace, de couleurs, de textures, enfin de tout ce qui donne chair à un tableau. Je me souviens de paysages brossés au bord de l'abstraction, de cette abstraction française dans la verve d'un Riopelle, d'un Bazaine, le combat d'avec la matière se voyait encore, de ce combat émergeait des paysages, de fouillis paysages balayés par le vent, la solitude; par l'inquiétude que je sentais aussi dans ces corps d'hommes et de femmes peints en grand format, des corps d'enfants mais portant tête d'homme mûr, lourde, toujours pensive. Ce véritable travail de peintre créait déjà un univers et portait en soi un monde particulier.
Les choses de la vie nous ont permis de nous recroiser et je retrouvais Hubert dans son atelier parisien en présence de ses œuvres, posant toujours avec justesse les vraies problématiques picturales mais aujourd'hui soutenues par d'autres questions qui occupent sa vie.
Porté par un véritable questionnement religieux, Hubert de Chalvron dès les années 90 se confronte à la représentation de thèmes chrétiens: annonciation, Piéta, crucifixion; les toiles sont grandes, majestueuses, fortement colorées dans une pâte dominée et très picturale. Dans ces toiles et à travers le questionnement de la place du religieux dans son œuvre et dans sa vie personnelle, Hubert de Chalvron pose d'une autre manière la question de la peinture, la question du comment peindre encore.
Il ne fréquente que de moins en moins les diverses expositions de notre petit monde contemporain, Hubert retourne beaucoup plus souvent au Louvre pour y voir et revoir Watteau, Poussin, ces maîtres de la peinture qui prétextaient une coupe de fruits, une soirée au bord d'un étang pour à la fois transmettre, saisir cette fugitive vision que seule la peinture peut suggérer mais aussi pour parler de ces choses difficilement traduisibles, transmissibles de la vie qui passe, d'un rayon de lumière sur des branches de feuillage, tout ce qui fait que le regard de l'artiste reste et restera nécessaire pour exprimer l'indicible de notre vie.
Dans ce travail il me semble malgré tout retrouver une certaine violence larvée qui habitait déjà ses précédentes recherches. Il est vrai que l'iconographie chrétienne regorge de violence, de tueries sanglantes, d'images susceptibles de faire peur au cœur simple ne serait ce que pour l'éloigner du mal!
De ce Morvan où nous nous sommes rencontrés, reste cette « fortissime » relation à l'objet de la nature; cette panthéiste nature telle quelle nous est également donnée à voir dans nos vieilles chapelles bretonnes dans lesquelles le christ avoisine les coqs, les têtes de boucs mêlées à d'autres images tirées des écritures chrétiennes. Parmi ce bestiaire primitif, les oiseaux (autoportrait aux oiseaux.1995) forment en soi une présence importante dans l'œuvre picturale d'Hubert de Chalvron;(Les vautours tempera sur bois 2010).